Aqueduc de Ain Zeboudja
Aqueduc de Ain Zeboudja
L’aqueduc de Ain Zeboudja, appelé aqueduc du Val d’Hydra, en raison de son emplacement dans ce quartier nouvellement urbanisé d’Alger, fait actuellement l’objet d’une opération de confortement initiée par la Direction de la culture de la wilaya d’Alger, maître d’ouvrage du projet. L’étude technique a été confiée au bureau d’études Mahinded où Mme Mahinded, architecte habilitée, en assure le suivi. Les travaux sont réalisés par l’entreprise Bellounes qui compte en son sein un archéologue, d’autant plus concerné par le monument et son histoire.
La construction de l’aqueduc remonte à la période ottomane. Il aurait été édifié, entre 1619 et 1639, par Mussa el- Andaloussi, un de ces nombreux réfugiés ayant fui l’Andalousie pour trouver refuge dans les villes du Maghreb où ils contribuèrent, grâce à leur savoir-faire, à l’aménagement de ces cités et particulièrement à leur approvisionnement en eau. L’aqueduc captait les eaux des sources naturelles du plateau de Ben Aknoun et de Dely-Ibrahim situées à environ 10 kilomètres à l’est de la médina pour les y acheminer. Il faisait partie de l’ensemble des quatre grands aqueducs convergeant vers la Casbah avec l’aqueduc du Hamma au sud de la ville, celui de Birtraria qui pénétrait à la Casbah par le nord-ouest et celui du Telemly qui y arrivait par le nord-est. Les eaux ainsi acheminées jaillissaient alors des nombreuses fontaines réparties dans chacun des quartiers de la médina.
L’aqueduc de Ain Zeboudja, desservant la partie nord de la ville, alimentait la Citadelle, siège du pouvoir de la Régence, de même que 14 fontaines de cette zone de la Casbah, ainsi que les jardins luxuriants qui l’entouraient et contribuaient à la réputation de la ville. Pour cela ainsi que par l’importance de son débit, il occupait une place prépondérante dans le système hydraulique de la médina. Dès les premières années de la colonisation, Gobot, peintre militaire chargé de faire le relevé des monuments de la Régence, l’a représenté dans un tableau toujours visible au musée des Beaux-arts d’Alger, où il apparait dans toute sa majesté.
Construction imposante de 10 m de hauteur et de 85 m de longueur en moyenne, l’aqueduc, en assez mauvais état de conservation, présente deux niveaux superposés qui comptent 14 arches au niveau supérieur et 7 au niveau inférieur. Les arches mesurent en moyenne 3, 40 de hauteur et 2,30 de largeur. Il est construit en maçonnerie de briques de taille irrégulière, jointes par un mortier de chaux. Dans la maçonnerie, apparaissent des rondins de bois servant d’assise à la partie supérieure et de résistance aux secousses sismiques.
Après le diagnostic, première phase de l’opération en cours, la deuxième et actuelle est celle du confortement et des travaux d’urgence afin de mettre un terme à la dégradation du monument. La dernière étape sera matérialisée par une publication scientifique sur les travaux réalisés et les enseignements à en tirer. Ces trois opérations sont règlementées par le décret 03.2322/ 2005 qui régit toutes les interventions sur les monuments historiques.
L’opération a donc débuté par un désherbage général du monument de la végétation, plantes et arbustes qui y avaient pris racines, suivi d’un rebouchage salutaire avec de la brique ou du mortier de chaux des cavités occasionnées par cet arrachage. Lors de la visite du chantier, on constate l’installation d’étaiements épousant la forme des arcs afin de procéder à leur consolidation, à l’exception des 4 arcs, situés au centre du monument et laissés en l’état comme éléments de comparaison et selon le principe de distingabilité pratiqué lors de toute opération sur des monuments historiques. Des pièces-témoins, de forme incurvée et en verre fin, ont été placées à cheval sur les fissures, dont les plus importantes sont situées sur les 7ème, 13ème et 14ème arches, afin de témoigner de leur évolution, torsion ou soulèvement par exemple, et donc de la façon dont le monument lui- même se comporte. A son sommet, la conduite d’adduction d’eau, cœur de l’ouvrage, encore en place, consistant en l’emboitement d’embouts en terre cuite, fait l’objet d’un recouvrement par une pièce en demi-cercle, en PVC, scellée dans une chape de chaux aérienne avec un pourcentage très faible de ciment (10%) pour une prise rapide, afin de la préserver des infiltrations d’eau. Des sondages souterrains d’environ 1 mètre de profondeur ont révélé l’existence d’un remblai au niveau des sous-bassement qui ont fait l’objet d’une consolidation. Enfin, les abords immédiats, c'est-à-dire les pentes jouxtant le monument à ses deux extrémités, ont été aménagées afin de recueillir les eaux de ruissellement vers un caniveau de drainage appelé cunette.
D’ores et déjà et alors que les travaux sont encore en cours, quelques éléments historiques apparaissent : la construction ottomane ne concerne que la partie droite du monument, lorsque l’on tourne le dos à la résidence. Ceci est attesté par les joints entre les briques et les enduits ainsi que par la taille, plus petite des arches de cette partie. Tout le centre du monument a dû connaitre un effondrement comme en témoigne la ligne incurvée de sa partie supérieure ainsi que le remblai découvert au niveau des fondations. Cette zone médiane a vraisemblablement été remaniée, sinon reconstruite : les traces des anciennes arches sont visibles à certains endroits, juxtaposées aux nouvelles. De l’époque coloniale, on retrouve des traces de travaux consistant en des injections de béton. Enfin, le promoteur immobilier de la résidence qui entoure l’aqueduc a cru bien faire en coulant des socles rectangulaires en béton à la base de certains piliers ainsi que des poutrelles métalliques transversales sensées le soutenir, ajoutant ainsi aux attaques du temps et de la nature.
Au nombre des anomalies constatées dans l’environnement immédiat du monument, preuve jusque là de son absence de protection, on note la présence des poubelles d’un restaurant tout proche, de même que le stationnement des voitures des clients de ce même restaurant. Son espace immédiat a servi, durant de longues années de parking aux camions et engins du promoteur, et ce malgré les courriers en provenance de la Direction du patrimoine lui enjoignant d’y mettre un terme. Enfin, son éclairage par des projecteurs est inadapté au lieu et à la nature du monument.
Justice lui a quand même été rendue : il a obtenu son classement en tant que patrimoine national en janvier 2008. Son arrêté de classement figure officiellement au JORADP, du 8 janvier ; il précise la règlementation en vigueur concernant les abords immédiats des monuments historiques ou biens immobiliers culturels protégés. Sont clairement notifiées, la zone de protection qui est de 200 mètres, les servitudes et obligations, de hauteur, de visibilité, de passage et de visite. Il va sans dire que, pour l’instant, ces conditions ne sont pas encore remplies, en particulier sa visibilité, entravée par la palissade de tôle ondulée entourant la résidence bien qu’elle ne soit plus en travaux.
On ne peut donc qu’applaudir à l’opération en cours et se féliciter du classement du monument qui va mettre un terme à son état d’abandon, inversement proportionnel à sa valeur historique et archéologique. Il est en effet, aujourd’hui, le seul témoin, vivant, pourrait-on presque dire, du système hydraulique d’El-Djazair. Il a, en plus, l’avantage de se trouver en plein centre de la ville moderne, facilement repérable, à condition qu’on ne le soustraie plus à la vue des populations. Il est temps qu’il devienne un lieu privilégié de visite et de promenade pour les Algérois., en attendant, pourquoi pas, sa restauration.